Jasna Šamić


QU'EST CE QUE „NOTEE HERITAGE" PLUS PARTICULIEREMENT SUR UN MANUSCRIT CONSERVE AU SIEGE DE LA COMMUNAUTE JUIVE („JEVREJSKA OPSTINA") DE SARAJEVO


„Otre héritage" ("nasa bastina") est un syntagme employé depuis un certain temps en Yougoslavie, qui indique les ouvrages créés dans le passe, non publies ou non-etudies de nos jours. Cette expression devrainet concern­ er des travaux sur tous les «peuples et nations" (narode i narodnosti) de Yu- goslavie, mais il est, semble-t-il le plus utilisée a propos des textes sur la Bosnie, et en Bosnie-meme ou vivent, d’ailleura, des peuples appartenant aux plusieurs confessions ou nationalités, telles que les musulmans, les Juifa, les catholiques et les orthodoxes. Le terme "nasa baština" (notre héritage), qui signifie en langue serbocroate la meme chose que le terme" naše nasl- jeđe“ est employé anjour d ’hui presque aussi sourent qua la fromule

„fraternite-unite“ ("bratstvo i jedinsto"). Comme la recherche sur les musul­

mans de Bosnie est devenue très developpee depuis quelques décennies en Bosnie, (quoique ces etules ne sont toujours pas suffisantes ni satisfaisantes), l'expression "notre héritage" ou "naša bastina", en serbocroate, connote le plus souvent la recherche sur les musulmans (voire les Musulmans) de Bos­ nie ayant écrit en langue, arabe ou persane.

Nous n ’allons pas discuter ici la qualité de ces etudes et des nom­ breuses publications concernant cet héritage, publiées le plus souvent en vol­ ume dans les éditions de „1’héritage, culturel" de Svjetlost, a Sarajevo. Nous ne voulons pas non plus discuter si les ouvrages concernant l ’héritage, cultu­ rel sont publies proportionnelement a la fameuse „clee“ politique. En effet, nous voudrions surtout évoquer le déplorable fait qu’il n’y a pas d’échangés entre les chercheurs yougoslaves. Notamment, les orientalistes qui s ’interressent a la période ottomane, connaissant le turc, l’arabe et le persan, ne se sont jamais interesses a l' hebreu ni a l’histoire juive, de meme quje les chercheurs juifs ne se sont pas interesses a l' héritage musulman ni a l’apprentissage des trois langues orientales, indispensables pour l 'etude de la Bosnie ottomane et des differentes cultures qui y cohabitent depuis long­ temps.

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Le problème des documents et de leur exploration est etroitement lie aux problèmes precedents. Or, les documents historiques de l ’epoque otto­ mane, concerves dans de nombreuses bibliotheques de Bosnie, ne sont tou­ jours pas étudiés a fond, de meme que les manuscrits d’ouvrages littéraires, écrits soit dans les trois langues citees ci-dessus (turc, arabe ou persan), soit en hebreu ou en ladino II y a plusieurs raisons a cela: l ’une d ’entre elles est le fait qu’il n ’existe pas de catalogues complets des manuscrits (comme par exemple dans la bibliothèque de Gazi Husrev bey de Sarajevo), et que sou­ vent de nombreux et précieux documents ne sont meme pas enregistres (par exemple ceur du Siégé du la Communauté juive (Jevrejska opstina) de Sara­ jevo.

Une autre question se pose egalement a celui qui s’intéresse a l ’histoire intégrale de la Bosnie et non seulement a la culture d’une confes­ sion particulière: les manuscripts conserves au Siégé de la Communauté juive, voire les documents écrits en hebreu ou en ladino, concernent-ils "notre heritge", c.a.d. l ’histoire, musulmane; autrement dit: la présentation d’un manuscrit écrit dans une

autre langue que le turc, le persan, l’arabe ou le "bosniaque", peut-elle etre le sujet de ce colloque? Par ailleurs, il va sans dire que les documents écrits en turc, par exemple, devraient intéresser les Juifs car ils comportent des données historiques importantes led concernants.

La réponse a la question posee ci-dessus nous parait tout a fait posi­ tive. Or, ce que nous désirons souligner, c’est qu’en travaillant sur les Juifs de Bosnie (Sëpharades) a époque ottomane, nous avons eu l ’occasion de découvrir un certain nombre de manuscrits qui concernent aussi bien l ’histoire juive que musulmane, et qui démontrent le faif qu’une étude paral­ lèle et comparative se révélé necessaire. Le problème présente ci-dessus a aussi un rapport avec l ’étude, d ’un autre ph’enomene, tel que la littérature dite alhamiado et de nombreux textes dits alhamiado qui ne sont pas encore publies de nos jours.

Que’est qu’en fait la littérature dite alhamiado?

„La littérature alhamiado (aljamiado) est une littérature non-arabe, écrite en caractères arabes. Le nom est tire du mont „alhamia“, la prononcia­ tion aspagnole de l’arabe „al-agamiya“ (traduction: „non arabe, étranger"). Ce furent avant tout les musulmans d’Andalousie que désignèrent, tout au début, par cette expression, les différents parlers des habitants du nord de la péninsule des Pyrénées. A la fin du Moyen-Age, ce terme commence a désigner toutes les langues romaines de cette péninsule (le portugal, l ’aragon et le catalan) qui n’étaient pas écrites en caractères latins, mais en caractères

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arabes. Le sens de cette expression est devenu plus large aujourd’hui et con­ cerne toutes les langues non-arabes qui emploient des caractères arabes comme écriture"1)

C’est ainsi que sont expliques les origines et le sens du terme de littér­ ature alhamiado. Quant aux textes en langue slave locale, écrits en caractères arabes, par des musulmans de Bosnie, ils sont considérés egalement comme faisant partie de la même littérature dénommée „alhamiado“.2) La plupart de ces textes sont, comme l ’on sait, këcrits en vers, dans un ton didactique. Par ailleurs, peut-on nommer ..littérature alhamiado" les poemes écrits en serbo- croate et en caractères hebraux, par exemple? Dans le cas contraire, com­ ment les nommerait-on?

Or, nous avons trouve l ’un des poemes de ce genre, qui figure dans le manuscrit „Ljekaruša“ (recueil de prescriptions medicales), conserve au Siégé de la Communauté juive de Sarajevo (Jevrejska opstina). Ce poeme est rédigé en langue locale avec des castteres hébreux, en „rashi“ cursive. Il dat- erali de la fin du 19ëme siècle, d’apres l’une des deux dates qui se trouvent dans le manuscrit (la première est celle de 1820 et l’autre de 5599/1890, sel­ on le jeune rabbin Ranko Jajčanin a qui nous voudrions exprimer, par cette accasion, notre gratitude). Le poeme est écrit dans le même style que d’autres poemes dits alhamiado, c’est dire les poemes écrits en langue slave locale, avec des caractères arabes. Le theme, lui aussi est semblable a celui que l ’on lit dans d’autres poemes dits alhamiado. Il s agit, plus particuliekre- ment, d’un poeme concernant Mahmud Pacha da Tuzla et Mahmud Pacha Fidahi de Zvornik (lu par Ranko Jajcanin). Le poeme pullule de fautes de langue slave de ce poeme, de même que nous ne savons pas a qui il s ’adresse, ni les raisons pour lesquelles il a ëtë note en caractères hébreux; enfin pourquoi il s’est trouve dans ce manuscrit des prescriptions medicales.

En revanche, nous n’avons pas pu trouve un poeme semblable a celui- ci dans des anthologies de la poesie dite alhamiado, celle de Abdurahman Nametak, ni dans l ’ouvrage de Mehmed Kapetanović-Ljubušak)3). Par ail­ leurs, a la fin de ce manuscrit, qui fait hommage au Sultan Mehmed (II?) (dans le texte: „a notre maitre le Sultan Mehmed"), se trouve une note qui nous informe que le manuscrit aurait ete „revise par Dominanti Franciscus". Aussi y figure-t-il également un texte assez illisible, écrit en plusieurs langues avec des caractères hébreux: en français, italien et turc.4)


1) M. Hukovic: „Najstariji alhamijado tekstovi“, Bosna i Hercegovina, Enciklopedija Jugoslavije, Leksikografski zavod, Zagreb, 1982. p. 342-343.

2) Ibid, p. 342.

3) Cf Abdurahman Nametak: Hrestomatija bosanske alhamijado poezije, Svjetlost, Sarajevo, 1981. Mehmed Kapetanovic-Ljubusak: Istocno blago, t. II Sarajevo, 1879.

4) Comunication de Ranko Jajcanin.

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Les personnages historiques evoguës dans le poeme et les événements auquels le poeme fait allusion indiquent que le poeme a ete sans doute rédigé au milieu du 19eme siecle. Le texte de ce poeme transcrit en caractères latins serait le suivant.

1. U Zvomiku u Donje Gradivu U njoj sjedi Paša Mahmud Paša


2. A u gornje, Turak Bego Bego Na jaliju Paša Fidahiju Ziju


3. (...) Abdu Bulju Baša Ali bila zvornička pokara


4. Mahmud Paša, Paša (...) Mila majko Ne daj grada brez golema


5. Jada, ni topova bres, černijen rana Ni sibjana bres mertvijeh glava


6. Govorio Paša Mahmud Paša Doji meni Tuzla kapetane


7... Dokji meni Tuzla kapetane I njegovo osjen (osam?) pašica


8. / Sarajli stari gazija

Ne boj mi se Posavsko vezira i njegova paša i paša i njegova paša i paša, ni njegova


9. Abdu Bulju Baša


Traduction: „Dans la basse ville de Zvomik, c’est la que Mahmud Pa­ cha se trouve, /Alora que le Turc Bego est assis en haute ville, pies (?) de Ziya Fidahi Pacha./ (mot illisible) Abdu Bulju Basa; mais le desestre (?) est

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dmbe sur Zvornik (provenant de Zvomik)/ Et Mahmud Pacha (crie); (mot il­ lisible) Oh ma ehere mere n’abandonne pas la ville sans grandes /Peines, (ne donne pas) des canaux avant que les plaies noires ne s’ouvrent et les tetes ne tombent. /Ainsi parlait Mahmud Pacha. Viens (aide-moi), Le capitaine de Tuzla et huit petits pachas (?) /Même le vieux gazi de Sarajevo ! N’aie pas peur du vizir de Posavina et de ses pachas, ni de son Bulju Baša“...

Cette traduction n ’est qu’approximative car, d ’une part nous ne sommes pas capables de lire le poeme par nous-nemes, et d’utre part, de nombreux mots y sont illisibles. Par ailleurs, il est clair que le poeme n ’est pas termine. De plus, il ressemble a de nombreux poemes populaires qui chantent le capitaine da Tuzla. Les événements auquels le poeme fait allu­ sion et les personnages qu’il évoqué pouraient, sana doute, être les memes que décrit Hamdija Kresevljaković dans son ouvrage „Kapetanije u Bosni i Hercegovini“5). Il s ’agit probablement des personnages historiques, tela Mah­ mud Bey, devenu plus tard le pacha, connu surtout comme le capitaine de Tuzla (Tuzla Kapetan ou Mahmud Tuzlagić) et Mahmud Pacha Fidahija (Fidahić) de Zvomik6). Ce sont eux qui auraient provoqué une insurrection a Posavina pendant le régné du vizir Omer Pacha Latas, qui prit fin en 1850. Les rebelles, le fils de Mehmed Pacha de Tuzla et son cousin, Mahmud Beg Gradaščević, ont ete enyoyes a Sarajevo avec les autres insurges. Gra- daščević mourut dans la prison de Sarajevo en 1851, alora que Mahmud Pa­ cha de Tuzla finit sa vie sur l ’ile de Rhodes ou il tut expulsé avec toute sa fa­ mille7). Ausi, ne sommes-nous pas en mesure de confirmer avec certitude si les pachas cites ici sint véritablement les mêmes que cite H. Kreševljaković. Nous ne connaissons pas, non plus, les autres personnages eyoques dans le poeme.

Une fois de plus, nous tenons a souliger que notre intention est surtout de souligener l’importance de nombreux documents historiques et de nom­ breux manuscrits d’ouvrages littéraires qui restent inerplores de nos jours. Nous voulona démontrer egalement que les etudes parallèles sur la Bosnie ottomane se rëvëlene absolument nécessaires.

Enfin, notons en conclusion la chose suivante, même si 1 on suppose que tous ces peuples sont etrangers (ce qu on répété parfois en Yugoslavie), et qu’ils se sont instales en Bosnie il y a plusieurs siècles, ces plusieurs siè­ cles de coexistence ne son-ila, tout de meme, pas sutisanta pour qu ils com­ mencent tout simplement a faire partie de l ’historié bosniaque. Ainsi les études des différentes cultures comprendront, peut-etre, beaucoup moins de lacunes que les precedentes.


5) Hamdija Kresevljaković , Kapetanije u B osni i Hereegovini, Hëme ëd., Sarajevo, 1980. p. 209-210.

6) Ibid.

7) Ibid.

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„ŠTA JE TO NAŠA BAŠTINA

- POSEBNO O JEDNOM RUKOPISU KOJI SE ČUVA U JEVREJSKOJ OPŠTINIU SARAJEVU"

Djela svih naroda koji su živjeli i stvarali u Bosni pripadaju kulturnom

nasljeđu Bosne. U naučničkoj praksi, međutim, ne postoji razmjena iskusta­ va među onima koji izučavaju kulture različitih naroda, odnosno ne postoje paralelne i komparativne studije. Pri ovome posebno mislimo na odsustvo paralelnih studija iz oblasti turkologije i hebrastike. Postoji više razloga za to. Jedan od njih je pomanjkanje kompletnih kataloga određenih biblioteka, i nepristupačnost rukopisima. Drugo je činjenica da se muslimanski orijenta­ listi koji poznaju arapski, turski ili persijski jezik i koji se zanimaju za musli­ mansku prošlost nisu zanimah za hebraistiku i za prošlost bosanskih Jevreja, ali i obratno, Jevreji nisu izučavah arapski, turski ili persijski koji su ne­ ophodni za poimanje bosanske prošlosti rada i posebno. Rukopis koji smo pronašli među djelima pohranjenim u Arhivi Jevrejske opštine u Sarajevu svjedoči upravo o neophodnosti paralelnih i komarativnih studija, i potvrđuje činjenicu da je kulturna baština Bosne jedinstvena i nedjeljiva po nacional­ nostima. Ovom prilikom istakli smo posebno jedan rukopis, pisan na lokal­ nom slavenskom jeziku („bosanskom"), hebrejskim pismom, čiji su tema i stil vrlo slični brojnim alhamijado tekstovima, pisanim na lokalnom slaven­ skom vernakularu arapskim pismom. U ovom radu donosimo tekst u trans­ kripciji Ranka Jajčanina, zahvaljujući kojem smo i uspjeh da ga dešifrujemo. Riječ je o rukopisu pjesme u kojoj se pominje Mahmud-paša iz Tuzle i Mah- mud-paša Fidahi iz Zvomika, pjesme čiji nam autor ostaje ovom prilikom nepoznat kao i razlog zbog kojeg je zapisana na hebrejskom pismu i zbog kojeg se našla među liječničkim receptima rukopisa Ljekaruše.

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